Les 5 Piliers de la Gestalt
LES
5
PILIERS
DE
LA
GESTALT

La gestalt s’est nourrie d’approches multiples et diverses dans la constitution de sa théorie, fruit du parcours de ses fondateurs, des recherches scientifiques de la fin du XIXe - début du XXe siècle, et du contexte historique et culturel de l’époque.

Cinq piliers fondateurs permettent d’éclairer la théorie gestaltiste

Le Tao et Le Zen

Le premier (et plus ancien si l’on remonte dans l’histoire de l’humanité) est le Tao (5e siècle avant J.C.) et le Zen (5e siècle après J.C.) dont la pensée a principalement donné à la gestalt, le centrage sur l’instant présent, avec l’idée que tout ce qui advient se passe ici et maintenant.

La phrase de Bouddha « Le passé est dépassé, le futur aléatoire, la seule réalité est ici et maintenant » a inspiré Fritz Perls, le fondateur de la gestalt relevant, dans un de ces ouvrages, que « Tout ce qui est réel est toujours présent par rapport au temps (…) de même, ce qui est réel pour vous doit être lié à l’endroit où vous vous trouvez »[1].

Dans la thérapie, cela s’incarne à travers le fait que le thérapeute va beaucoup se centrer sur ce qui est en train de se passer dans la séance pour lui, pour vous, entre lui et vous, là, maintenant, au cœur de la relation thérapeutique ainsi que sur les ressentis qui émergent, comme des guides de l’expérience en train de se vivre.

Le pragmatisme

Le deuxième est le pragmatisme, une philosophie née en Amérique dans la deuxième moitié du XIXe, et dont le précurseur est Charles Sanders Peirce, qui postule que les idées sont des représentations de nos propres expériences.

Par conséquent, la vérité n’est que contextuelle et nous la fabriquons à partir de situations que nous rencontrons.

Nous retrouvons cette idée chez Pierce : « le monde intérieur est brutalement perturbé par les incursions d’idées venues de l’extérieur » et il ajoute que, pour lui, ce phénomène est « l’influence du monde des faits ou de l’expérience »[2] sur notre façon d’appréhender le réel. Paul Goodman, un des fondateurs de la gestalt, était un fervent pragmatique.

En gestalt, toute connaissance de soi passe par le fait d’expérimenter une nouveauté ou habitude, sous le regard du thérapeute qui va aider à conscientiser ce qui est en train de se jouer.

La psychologie de la forme

La gestalt-théorie, appelée aussi gestalt-psychologie ou psychologie de la forme est le troisième pilier.

Cette théorie, née à la toute fin du XIXe siècle grâce à Christian von Ehrenfels, s’intéresse à la façon dont nous percevons le monde.

Elle postule, entre autres, que notre faculté de percevoir est un acte psychologique qui consiste à créer, chercher ou retrouver une forme, en fonction de nos besoins présents, de nos intérêts actuels. Un postulat de la gestalt-théorie identifiable en un dessin (une de ses manifestations les plus populaires) représentant à la fois le visage d’une vieille femme et la silhouette d’une femme jeune. Chacun de nous ne percevra que l’une, ou que l’autre, à moins d’être en capacité de percevoir les deux.

Nous sommes vigilants, dans la thérapie, à permettre aux personnes de sentir et comprendre quelles sont leurs modes créateurs de réaction (faire du nouveau) ou conservateurs (faire comme d’habitude).

La phénoménologie

La phénoménologie est un courant philosophique né à la fin du XIXe dont le représentant principal est Edmund Husserl. Notre quatrième pilier.
Pour Husserl, « Toute conscience est conscience de quelque chose »[3].

La conscience est donc le lien entre soi et le monde.

À travers cette idée, il convient de comprendre que notre façon d’appréhender le monde ne se fait qu’au travers de notre perception singulière, faite de nos expériences, de nos envies, de nos besoins, de nos désirs, bref, de notre filtre.

Il propose de tenter de suspendre notre jugement quand on perçoit le monde, pour regarder les choses pour ce qu’elles sont, sans l’élaboration conceptuelle et sans chercher à les expliquer.

Cette opération de la pensée s’appelle l’épochè. L’importance de ne pas préjuger de ce que vit une personne que nous accompagnons est primordiale. Je ne sais pas pour l’autre mais je peux être avec elle dans ce qu’elle vit. Cette posture est créatrice de beaucoup de liberté.

L’existentialisme

Notre dernier pilier, le 5e, nous amène plus près de nous, en plein XXe siècle, après la deuxième guerre mondiale, pour parler de l’existentialisme dont l’un des « concepteurs », Jean-Paul Sartre, soutient que « l’existence précède l’essence »[4]. Derrière cette phrase un peu mystérieuse, Sartre pose l’idée que l’homme existe d’abord, qu’il est (pour ainsi dire) jeté dans le monde en proie aux contingences de l’existence — provoquant chez lui de l’angoisse — et qui sont aussi un moteur qui vont le pousser à agir et à devenir. L’homme va alors se définir par ses actes.

Ces contingences, il les nomme contraintes existentielles (contrainte de solitude, contrainte de perfection, contrainte de responsabilité, contrainte de finitude et quête de sens).

Dans la thérapie, nous mettons l’accent sur les ressources individuelles qui permettent de traverser les angoisses existentielles inhérentes à notre condition.

Ces différents piliers s’incarnent dans l’accompagnement thérapeutique de façon beaucoup plus développée, et irriguent, en permanence, une séance de thérapie à travers une posture, celle du gestalt-thérapeute, qui ouvre à la liberté, un autre état de conscience et rend possible la transformation.

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Article du 26 septembre 2023 par
Laurent Biscarrat (Gestalt-thérapeute, sexologue, formateur et superviseur)

D
écouvrez aussi, par le même auteur :

Si j'existe, je meurs - le courage d'être soi dans un environnement hostileGestalt, 2018, n°52, pages 59 à 71
La thérapie hors les murs - Quand le thérapeute sort de son cabinet, Gestalt, 2020, n°55, pages 59 à 73

 

 

 

  1. [1] Perls, Hefferline, goodman, Gestalt-thérapie, techniques, Stanké, Ottawa, 1977, p. 53

  2. [2] Charles, Sanders Peirce, Collected papers, Harvard College, Massachusetts, 1, 321 (édition électronique)

  3. [3] Edmund Husserl, Méditations cartésiennes, Vrin, Paris, 2000, p. 28

  4. [4] Jean-Paul Sartre, L’existentialisme est un humanisme, Gallimard, Paris, 1996, p. 45

  • Article créé le 22/09/2023
  • Mis à jour le 02/10/2023 à 12h10

À PROPOS DE L'AUTEUR

Portrait de Laurent Biscarrat

Laurent Biscarrat

Gestalt-thérapeute, sexologue, sexothérapeute, formateur, superviseur

Gestalt-thérapeute formé à l'EPG, sexologue, formateur et superviseur agréé par l’EPG. Laurent intervient dans les permanences de santé sexuelle au sein de l’association Aides auprès, entre autre, de publics migrants, de TDS (travailleurs et travailleuses du sexe) et des publics LGBTQI+. Il codirige aussi l’ESOG (l’Ecole de Sexothérapie à orientation gestaltiste) et anime à l’étranger des formations pour les thérapeutes, les psychologues, psychiatres et médecins, sur les difficultés sexuelles et l’accompagnement de victimes des violences sexuelles.

  • Animation d'un atelier d’écriture pour remplacer un groupe de parole / service d'oncologie - Institut CURIE
  • Consultations en sexologie hebdomadaires et animation occasionnelle de groupes de travail sur la sexualité / AIDES

FORMATION

  • Certificat européen de Psychothérapie - CEP
  • Certificat de gestalt-thérapeute / École Parisienne de Gestalt
  • Formation de sexologue à l’ESOG
  • Formation et supervision à la DGS de Pink Therapy (diversité de genre etde sexualité) de Dominic Davies

BIBLIOGRAPHIE

ARTICLES

C'est de la dentelle..., Revue Gestalt, 2023/1, n°60, pages 11 à 21

Instants de délicatesse, Revue Gestalt, 2023/1, n°60, pages 83 à 84

Si j'existe, je meurs - le courage d'être soi dans un environnement hostileRevue Gestalt, 2018, n°52, pages 59 à 71

La thérapie hors les murs - Quand le thérapeute sort de son cabinet, Revue Gestalt, 2020, n°55, pages 59 à 73

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